La France est en guerre et la plupart des Français l’ignorent. Cette guerre n’a pas lieu à des milliers de kilomètres, en Syrie ou en Afghanistan, mais bien à l’intérieur de nos frontières, dans nos forêts. Pour l’heure, les victimes « ne sont que » des arbres mais au final, ce sont bien les humains qui en subiront les conséquences. En abattant nos forêts les unes après les autres, celles que l’on appelle le « poumon vert » de la planète, on ravage non seulement nos paysages, mais on détruit aussi nos écosystèmes, on élimine la capacité de séquestration du carbone par les arbres et, donc, on nous asphyxie.
J’exagère? Regardez donc ces photos et dites-moi si ce ne sont pas là de vrais champs de bataille et des scènes de guerre. Tout n’est que destruction, destruction, destruction.
Répondant à l’opération #Balancetacouperase lancée par l’association Adret Morvan, une habitante, que j’appellerais Camille pour préserver son anonymat, a signalé une toute nouvelle coupe rase, encore en cours au Vieux Dun, à la sortie de Dun-les-Places, au coeur du Parc naturel régional du Morvan. En me rendant sur les lieux, je n’ai pu que constater l’énormité du saccage.
Le bois de Saint-Marc, indiqué dans de nombreux sites de randonnée, faisait hier encore la joie des promeneurs. Outre ses paysages idylliques, il abritait un patrimoine historique et cultuel caractéristique du Morvan, autrefois terre des Éduens, peuple de la Gaule celtique. Le site se trouve, en effet, sur les vestiges d’un oppidum qui a donné son nom à la ville (Dunum signifie forteresse, colline). Deux fossés empierrés, dénommés « Petite Barre » et « Grande Barre », sont encore visibles. Il semble bien que le premier ait été sérieusement malmené par les engins forestiers.
Avant, la statue de Saint-Marc protégeait une source et un bassin gallo-romain aux eaux sacrées et présumées miraculeuses. On y venait en pèlerinage bien avant que le site ne soit christianisé. Il y a peu encore, le saint trônait au milieu d’un bois dense. Aujourd’hui, il semble atterré devant tant de désolation. Quant à la chapelle du même nom, chapelle privée dont le propriétaire semble avoir été bafoué dans ses droits, ses abords jadis plongés dans le vert ne sont plus qu’une vaste étendue dénudée.
Comment peut-on en arriver là? Jusqu’où ira l’inconscience crasse, pour ne pas dire le je-m’en-foutisme notoire uniquement motivé par l’appât du gain et la course au profit de ceux qui commettent de telles exactions et ceux qui les y autorisent?
La Région Bourgogne-Franche-Comté, le Département de la Nièvre, le Parc naturel régional du Morvan souhaitent-ils vraiment développer le tourisme comme ils le prônent? Permettez-moi d’en douter. Comment penser, en effet, que les touristes et les randonneurs voudront venir se promener parmi un tel carnage, marcher dans des chemins défoncés et truffés d’ornières qui arrivent jusqu’à la hanche, admirer un site chargé d’histoire et de tradition religieuse qui n’a de « remarquable » (selon la propre terminologie du Parc) que sa lamentable profanation? De plus, le site se trouve à proximité d’espaces naturels sensibles, la commune de Dun étant concernée par plusieurs Zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I et II et sites Natura 2000. Sans oublier, pour les randonneurs, le GR13 qui croise non loin de là.
En attendant, Camille qui habite près de la parcelle saccagée sur 12 hectares avoue être « traumatisée ». La nuit suivant sa triste découverte, elle en a perdu le sommeil. « J’avais l’impression d’entendre les arbres hurler », raconte-t-elle. Camille qui réside ici depuis trois ans ajoute que sa première réaction a été de vouloir déménager. « Je suis aussi en colère contre la Municipalité qui a laissé détruire le chemin communal menant à la chapelle. Avant, les branches des arbres dessinaient des arcs au-dessus du chemin, c’était splendide. Maintenant, on ne voit que des branches cassées et laissées pendantes ».

Comme je le rappelais dans un billet précédent, la forêt a plus que jamais besoin de nous. Alors de grâce, avant que nos forêts ne disparaissent remplacées par des plantations d’arbres, ou des « champs d’arbres » comme les appelle le botaniste Francis Hallé, signez les pétitions, interpellez vos députés, rejoignez les rangs des associations qui militent pour la forêt (comme Adret Morvan) et la protection de l’environnement. Si vous ne le faites pas pour la forêt, faites-le au moins pour vous!
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